Voyage au bout de la nuit

Ecrit pour LES PLUMES 44 – Résultats de la collecte pour « craquer » !
Feu, chocolat, pelote, courage, croquer, branche, pleurer, folie, logiciel, admiration, couture, s’évader, play-boy (ou playboy), abeille, clope, plaisir, raquer, tunes (ou thunes), caramel, articulations, céder, raccommoder, vernis, allumette, amour, courses (dans le sens de shopping), tonnerre.

Voyage au bout de la nuit*

Il craqua une allumette, fuma sa dernière clope, ultime plaisir, imaginant, amusé, qu’on le confondrait avec une luciole. La nuit était si noire.
Un coup de feu ; le tonnerre ? Une branche le frôla. Ou était-ce quelqu’un ? Il n’allait pas céder à la peur. Il avait connu pire comme situation. Un bourdonnement, bestiole nocturne, papillon gigantesque, chauve-souris…plutôt, l’hélicoptère, son hélico. Il était là, l’avait enfin retrouvé.
Il avait réussi ! Le logiciel, qu’il avait bricolé, imaginé, à en perdre le sommeil, fonctionnait.
Mais le bruit s’éloignait. Ne pas perdre courage ; doucement, il murmura : « Abeille ». Ainsi, il avait baptisé son coléoptère favori ; machine à voler, qu’il avait retapée, raccommodée avec patience, redonnant à chacune des articulations, son élasticité. Non ce n’était pas une folie, ranimer cet oiseau touché en plein vol.
« Abeille » murmura-t-il. Quelque chose, pourtant, semblait ne pas fonctionner. Qu’avait-il oublié ? Il passa en revue tous ses gestes, chaque boulon boulonné, chaque coup de pinceau, peinture antirouille, multiples couches de vernis sur les pales, rotor huilé, moteur rutilant, intérieur de la cabine, façonné haute couture, tons chocolat, avec une pointe de caramel brûlé. L’illusion était parfaite, comme si il sortait de l’usine.
Il tenta un SOS lumineux, du bout incandescent de sa cigarette. Ecrivit A-B-E-I-L-L-E. Silence total. Puis, un chuintement, sorte de doux chuchotis, qu’il lui semblait connaître. Comme codé ; un bruit court, un silence, aux longs silences succédaient des gargouillis plus ou moins sonores, étranglés, avant de jaillir comme sonorités d’éléphants jouant de la trompette.
On lui souffla dans l’oreille. Le souffle devint sifflement. Etait-ce sa machine qui revenait ? Son corps fut secoué sans ménagement. Hourra, sa machine avait atterri. Tout avait fonctionné, à merveille.
Nouvelle secousse. « Hé, ne pars pas sans moi ! » Son corps ballotté, rebondissait, des lucioles voltigeaient, s’éteignaient une à une. La clarté du jour révélait des jambes, ses yeux apercevait des formes humaines souriantes, grimaçantes, le lit bougeait, secoué, véritable trampoline.
« Enfin réveillé, mon amour ; nous avons failli partir faire les courses, sans toi. Mais comme tu insistais.»
Trois lutins couraient en tous sens, lampes de poche à la main : « Papa, tu nous as bien fait rigoler. Ecoute, on t’a enregistré. » S’éleva un concert de ronflements, grognements, barrissements, bruits de jungle en folie.
« C’est moi ? » « Oui, toi Tarzan, playboy de la jungle, moi Jane » répondit la femme.
« Nous Chita, Chito, Chiti » rient de plus belle les singes bondissant. « Toi raquer thunes, pour acheter bananes. »
« Moi, Tarzan, empêcher vous s’évader, prisonniers de moi ; toi, femme Jane, grimper dans ma tanière, pour faire jeu admirations réciproques. »
Sous les draps bruns, mouchetés d’abeilles dorées, pleurant de rire, tout le monde se retrouve, bras, jambes emmêlés, chantant à tue-tête « Dans la jungle, la terrible jungle, Tarzan donne un concert la nuit…

* Je n’oserais me prendre pour Céline;  😀

Je demande pardon à ses lecteurs fidèles, d’avoir osé emprunté ce titre.

Catégories : Jeux d'écriture | 15 Commentaires

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15 réflexions sur “Voyage au bout de la nuit

  1. Pingback: LES PLUMES 44 – LES TEXTES DE MAI ! | Les lectures d'Asphodèle, les humeurs et l'écriture

  2. Une nuit difficile pour ton héros (anti héros ?)
    Qui m’a beaucoup plu 🙂
    Il y a des substances tout de même qu’il devrait consommer avec modération 🙂
    Bisesss Jacou 🙂

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  3. Marlaguette

    Il n’y a qu’un pas du rêve à la réalité ! Ton texte m’a fait sourire 😉

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  4. Chito,Chita et chiti😄😄😄
    Au début,j’ai cru que tu nous racontais les débuts de Iron Man😄
    Il va falloir que j’aille réveiller mon Tarzan😄Je lui demanderai quelle machine merveilleuse il a imaginé cette nuit.

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  5. Un texte qui a le décousu des rêves, il fallait le trouver !

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  6. Je ne me souviens que tres rarement de mes reves .les cauchemars ca oui !! bravo

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  7. Ne t’excuse de rien : de toutes façons, Céline a emprunté les mots « voyage », « bout » et « nuit » à n’importe quel dictionnaire !
    et puis c’est ce que tu en fais qui compte, et là, ça vaut mille 🙂

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  8. Moi aussi j’ai pensé à Céline, j’avoue que j’avais un peu peur et tu en fais un anti-voyage au bout de la nuit proprement hilarant ! 😆 Un rêve qui fait du bruit visiblement et où personne n’a bien dormi ! 😉

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  9. C’est incroyable tous ces textes différents inspirés par la même liste de mots!

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  10. Une chute totalement inattendue et complètement hilarante 🙂 Bravo 🙂

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  11. Un bien joli dénouement, en effet ! Bravo 😉

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  12. Le rêve qui finit divinement: le réveil par sa horde. Et tu passe du genre sf au théme de la jungle tel un habile singe d’une branche a l’autre. Bravo.

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  13. Mince, je me suis fais bluffer jusqu’à la fin. J’avais suspendu ma respiration en attendant LA Catastrophe du vol de cet hélico que je ne comprenais pas trop ni l’utilité ni la taille, mais j’étais plus partie dans l’espionnage que dans le réveil en fanfare d’une bande de petits primates farceurs 😀

    Très bon

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  14. Oh effectivement je ne m’attendais pas à une telle chute, belle imagination 🙂
    Belle journée !!!! 🙂

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  15. Les rêves ont tout ça d’incroyables, j’en souris en pensant qu’il faut oser les raconter!

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