Pour l’Agenda Ironique de Mai sur une proposition de JOBOUGON
VAGABONDAGE
Liberté babillait dans son berceau. Belle de Mai hennissait de joie, dans le pré reverdi.
Un grognement lui répondit: « Moins fort, foutredieu, tu vas réveiller le petit. »
La voix, la main cessèrent tout bruit.
Au loin, halo de poussière, caracolant, un fier destrier annonçait menaces orageuses ou bienheureuse nouvelle.
La main se crispa. Liberté ouvrit les yeux, bouche goulue cherchant le sein qui se dérobait.
Liberté, sur son séant, se dressa, rêve ou cauchemar, douceur ou rudesse. Il voulait savoir, il fallait comprendre, un pour tous, tous ici bas. Enfourcha Belle de Mai, sa cavale.
Elle le laissa conduire, il la laissa le conduire.
« Point de hasard dans l’affaire. »
D’où venait cette voix. Belle de Mai sentit la main rassurante.
» L’affaire est faite. Rien ne sera rompue. »
« Rompue, rom qui pue, tu pues le rhum. »
Liberté dressa ses oreilles, malentendu. Belle de Mai dressa ses oreilles. Liberté, aux aguets, doigt sur la bouche, lui montra la scène.
Pas un souffle. La cavale et son compagnon observent, et, d’un même pas de loup, se dirigent vers le campement.
« Quelle est cette jactance ? Que t’ont fait ces gens pour mériter tel indigne accueil? »
» Des scélérats ! Fieffés voleurs, menteurs, bandits de grands chemins, porteurs de misère, charognards…
Liberté ne voit que beauté sous les haillons, qu’intelligence et courage dans les yeux, douceurs et adresses dans des mains travailleuses.
« Tu te fourvoies l’ami. Je sais ton amertume, persécution de ton âme malhabile. Laisse ces gens en paix. Nous ferons la route ensemble. »
Fifrelin bougonne: « Plutôt aller au diable…le dos tourné…planter un couteau…
« Fichtre, Liberté, ce n’est pas coutume de…de…on les connait pas ces étrangers, on sait pas d’où ils viennent » bredouille Fifrelin.
« Tu vois, tu le dis toi-même. Comment peux tu conter sur eux de telles sornettes, alors que tu ne les connais pas ? Écoute les, apprends avec eux. »
Fifrelin reste planté, besace vide, mine courroucé.
Liberté et Belle de Mai invitent la troupe inconnue à poursuivre chemin avec eux.
Au mois de mai, fais ce qu’il te plait. Liberté le sait, bien décidé à aller plus loin pour des années.
Liberté babillait dans son berceau. Une voix lui disait:
» Liberté, dans le pré vert t’attend Belle de Mai. Bientôt, tu y courras, tu comprendras, Elle t’attend. c’est un espoir, tu verras. »
La main, à nouveau apaisée, sourit, éclat de tendresse dans les yeux. « Pour que vive la Liberté! »