Ecrit pour Pour l’agenda ironique de janvier, proposé par Vérojardine
Je vous demande donc d’écrire un « road trip », une déambulation , seul(e) ou accompagné(e), dans une ville, connue, inconnue, imaginaire, terrestre, maritime, céleste… Vous pouvez choisir l’endroit que vous arpentez tous les jours, mais aussi le passé ou le futur.
Bref, tout est possible! … mais…
Les mots suivants devront figurer : entrechat, rampe, jaquemart, topinambaulx, dents, dindon.
Et le texte devra se finir par la célèbre phrase du petit prince
« L’essentiel est invisible pour les yeux »
GUERRE ET PAIX
Travail, soleil, culture, farniente.
Aujourd’hui c’est pèlerinage.
Ainsi nommais-je un de ces plaisirs rares et intenses,
Que je savais m’offrir, la-bas,
Au pays du faux semblant,
Et, pour reprendre une certaine expression,
Pays du bling-bling.
Sac à dos, tenue sportive, j’allais.
Coeur joyeux, jambes légères, regard curieux
Oliviers, mimosas, arbousiers,
Avaient droit à mes observations et saluts.
Les eucalyptus côtoyant les jasmins,
Parfum généreusement offerts à mes sens.
Une fleur égarée, penchant sa tête solaire,
Graines de topinambaulx et de dents de lion
Chahutées par le vent.
Joie simple, nature aimable,
J’avançais, enivrée de pensées chaleureuses.
Je cheminais enchantée, libre et folle de gaieté,
Circulant, ça et là, cabrioles et entrechats,
Roue de paon, ou de dindon, peu importe,
Je humais à pleins poumons ma joie de vivre.
La nature, doucement, faisant place à la rue.
Je flânais encore, choisissant mes vitrines,
Celles où tout est authentique,
Ateliers d’autrefois, gestes véritables du potier.
Regard nostalgique, tourné vers un glorieux passé,
Quand aujourd’hui, tout n’est qu’attrape-touriste.
Une boulangerie vendant des cannelés.
Tiens, comme chez moi ? Enfin presque,
Ils en ont le nom, mais pas la forme;
Le goût, je suis trop chauvine-girondine,
Pour avoir jamais mangé un seul de ceux-là.
Et puis le voilà, extérieur retapé, gangue de ciment,
Toujours allure de château fort, mais tout de même.
Avant de pénétrer, regard navré sur l’Homme au mouton**,
Montrant leurs corps, mal achevés, sur la place de l’église.
Quelques marches, et j’y suis.
Silence sous cette voute.
Elle est là. Du monde entier, viennent les gens,
La contempler. Que ressentent-ils ? Que voient ils ?
Les dégoulinades de peinture, ou la colombe en transparence.
Immobile, je ne réfléchissais plus. Il me suffisait d’être là;
Lisant souffrances, injustices, horribles blessures,
Ignorance et brutalité,
Jacquemarts* mercenaires massacrant sans vergogne.
Je communiais jusqu’à l’exaltation,
De ma totale union, immersion dans la fresque.
Un ultime et intense regard,
Il fallait repartir.
Sortir dans la lumière quotidienne,
Entendre les sons urbains,
Automate, je longeais ces boutiques de revendeurs,
Objets iconoclastes, et sans poésie.
A l’orée de la ville, détour habituel
Rendre hommage à la rebellissière***.
Descente à travers la luxuriante nature,
Regard effleurant oranges, et caroubes,
Admirant la courbe d’une palme,
L’ébauche d’un régime de bananes miniatures;
Revigorée, autre communion,
Avant le grand plongeon
Dans ce que nous nommons la civilisation.
Je sais qu’il y aura d’autres temps parfaits,
Et je revivrai ces moments
Où, loin des feux de la rampe,
« L’essentiel est invisible pour les yeux. »
*Définition: Jacquemart: Automate de bois ou de métal représentant un personnage armé d’un marteau, qui frappe les heures sur le timbre ou la cloche d’une horloge placée à la partie supérieure d’un édifice, d’un beffroi ou d’une église.
Recherchant l’origine du nom jacquemart, j’ai trouvé également ceci:
Antoine Furetière : “Quand on dit “armé comme un Jacquemart”, cela vient de Jacques Marc de Bourbon, troisième fils de Jacques de Bourbon, connétable de France, sous le règne du roi Jean. C’était un seigneur fort brave et vaillant qui se trouva en toutes les occasions les plus dangereuses de guerre et de tournois.
Dès lors, on appela Jacquemart tous ceux qu’on voyait armés de pied en cap.”Dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise (Briasson éditeur, Paris, nouvelle édition 1750, tome I, page 62 – Source), le grammairien Gilles Ménage propose que “Jacquemart a été fait du mot de jaque et de celui de maille, et qu’il a été dit originairement d’un homme armé de jaque-de-maille (jacomacchiardus).”
Ce vêtement, autrement appelé cotte de mailles, était aussi porté par les guetteurs d’où la proposition, les jacquemarts étant perchés en haut d’églises et beffrois.
Gabriel Peignot, dans son Illustre Jacquemart de Dijon (V. Lagier éditeur, Dijon, 1832, page 21 – Source) mettait en doute cette hypothèse : “L’orthographe Jacquemart semblerait annoncer un diminutif de Jaque Marteau, martelant, frappant les heures, opinion plus subtile que fondée.”
Source:. http://www.romanshistorique.fr/romans-sur-isere-ou-vient-le-nom-de-jacquemart
**http://www.vallauris-golfe-juan.fr/L-homme-au-mouton.html
***https://www.vallaurisgolfejuan-tourisme.fr/lieux-touristique/statue-la-rebelissiere-de-jean-marais-2/