Ecrit pour le défi du 20 février 2017, sur une proposition de Maryline
Partager nos traditions locales (ou connues lors d’un voyage), liées elles-aussi à des évènements, hors tout aspect religieux.
Au pays des traditions calmes…enfin, pas toutes.
Invitée par ma correspondante japonaise,
Je débarquais à Osaka,
Le 15 mars, d’une lointaine année.
Elle m’avait dit, m’attendre à l’aéroport.
Parmi tous ces gens souriants, accueillants,
Je ne la vis point.
De japonais, je ne connaissais que Banzaï,
C’était un peu gênant,
Bonzaï, je n’ai pas la culture de ces plantes nanifiées,
Samouraï, je n’en avais apparemment pas besoin,
Sumo, pour ça, je verrais plus tard,
Geisha, si seulement il y en avait une dans l’aéroport…
Je tentais ma chance en bredouillant quelques mots d’anglais.
Ainsi, je dénichais un taxi,
Lui donnais l’adresse de mon amie,
Mie Nishiyama.
Porte close.
La voisine m’apprit que, par la police,
Elle avait été emmenée.
Me proposa, chez elle, d’entrer,
Et m’offrir un thé.
J’étais interloquée.
Mie arrêtée!
Qu’avait-elle donc fait?
- ホワイトデー, répondit la voisine.
- Howaito dē, what is this?
- White day.
A ce moment, arriva son fils aîné,
Elle lui parla.
Aussitôt revint souriant avec la photo ci-dessous.
Tout mimi, c’était lui, en personne.
- 三倍返し
Je compris quelque chose comme Sanbaigaeshi. « Geishi, pluriel de geisha, comme un scénario, des scénaris. Il me prend pour une geisha! » Je secouais la tête. J’en voulais pas de ses cadeaux! Il continua, toujours aussi plaisant, répétant sanbagaeshi et me montrant trois doigts. « Ménage à trois?! Ho le samouraï, tu peux te faire hara-kiri! » et j’ajoutais le geste à mes pensées.
- Are you hungry?
- Yes, I am!
Sa mère et lui disparurent quelques instants. Pour revenir, portant un plateau couvert de sushis.
- Oshizushi, dit la mère.
- Sasazushi, dit le fils.
Son accent, j’avais compris angry, il avait sûrement demandé si j’avais faim. Pendant ce temps, ils continuaient: » Oshizushi/ Sasazushi/Oshizushi/ Sasazushi/Oshizushi/ Sasazushi/…
- Vous, deux, ça suffit. I am hungry, yes.
Triomphant, le fils regarda sa mère, me servit un sasazushi, et la mère, un thé.
- Sencha.
- Sencha tea, précisa le fils
Nous mangeâmes avec les doigts. Tout était très bon. Je remerciais, les imitant, mains jointes, légère inclinaison, tout sourire.
- Mie? What happened?
- White day, répondit le fils, montrant à nouveau la photo.
Il se mit à m’expliquer en anglo-nippon, une histoire de cravate, de white day, et de chocolat…du mari qui avait crié à l’assassin…me dessinant ceci:
- Vous? dis-je le montrant. En même temps, je remarquais que Mie était devenue blonde.
- No, répondit-il en me montrant un autre dessin. She is my wife.
Et me remontrant la première photo:
- Sanbaigaeshi for her, the White Day, after barentain dē.
Baratin?! Kezako?
Et la mère de dire tout sourire:
- バレンタインデー
« Encore ce baratin! Il faut que je trouve un truc pour sortir de cette maison de fous. C’est une entremetteuse. Je vais me retrouver geisha. J’ai compris! Mie n’a pas été arrêtée. Elle s’est enfuie! »
Je fis semblant de lire un message.
- Heu, je suis inquiète pour Mie. Elle me demande de la rejoindre au commissariat. J’appelle un taxi.
- Je vous y accompagne.
« Le piège. Et si je les assommais? »
- Mie me demande de venir seule.
- Dans ce cas, je vous appelle un taxi.
- Avez-vous un message pour Mie?
- Son mari va bien.
Au commissariat.
- Hello, I am french…
- Bienvenue au commissariat de Sakai…
Un nippon qui parlait français.
- Je viens voir Mie Nishiyama.
On me fit attendre un peu. Elle arriva, se précipita en pleurant…non, je rembobine: s’inclina, mains jointes, s’assit en face de moi.
Je fis de même.
- Kon’nichiha Mie. What happened?
- Il faut demander à mon mari.
- Justement, on m’a dit de te dire qu’il va bien.
- Dommage.
- Tu peux m’expliquer?
- C’est un peu long. Je ne sais si on a le temps de…
- Raconte.
- Pour le Barentain dē…
- Je t’arrête, c’est quoi cette histoire de baratin?
- Non, Barentain dē, le 14 février…
- Ah, le jour de la Saint Valentin…
- Voilà Barentain dē signifie Valentine Day. Ce jour là, je me suis saignée aux quatre veines pour offrir les meilleurs des meilleurs des meilleurs chocolats, à mon mari, pas des chō-giri choco, ça c’est pour les collègues hommes au travail, ni des Giri choco, pour mes amis …
- Mie, j’y comprends rien, tu offres des chocolats aux hommes, pour quoi faire?
-
- C’est une tradition qui remonte aux années 50. Quand j’étais petite fille, j’ai offert des sewa choco, ou si tu préfères des
papa choco à mon père. Après, au lycée, j’ai offert des honmei choco à mon amoureux; enfin au garçon pour qui j’avais le béguin; parce que l’inverse, on l’apprend le jour du White Day. Et le 14 février, cette année, j’ai offert à mon mari des honmei choco, pour lui dire que je l’aime, à cet 貴様 (bon là, je suis incapable de traduire, les origines latines de la langue française ne pouvant rien devant le subtil caractère policé nippon; juste écrire que j’entendis quelque chose comme pyjama, kisama…)Et lui, il les a pas mangés. Il ne m’en a même pas offert un. J’ai failli aller m’acheter des Jibun Choco. Mais j’avais tellement dépensé pour les chocolats d’amour( honmei), les giri (de courtoisie, de qualité ordinaire, pour les collègues), les tomo( pour les amis), j’avais plus rien pour m’en offrir (des jibun, plaisir perso). Et puis, quand je suis arrivée au bureau, que j’ai vu la boîte sur le bureau de cette ふしだらなおんな ( fushidaranaonna, impossible à traduire, pour des raisons citées plus haut), j’ai tout compris. Il l’avait remerciée, pour ses honmei chocos avec des gyaku chocos, en lui offrant mes honmei choco. Et le pire, il avait pas attendu le jour de howaitode (white day, vous suivez toujours? )…
- – Attends, tu vas trop vite. J’y comprends plus rien, sauf que ton mari t’a fait choc…heu pardon, t’as fait marron, heu, t’as rien donné en retour de tes honeys du 14 février…
- Honmei, pas honey. Oui, c’est à l’autre, cette fushidaranaonna( la soi-disant copine de bureau et maîtresse du mari), qu’il les a offerts, cet kisama( son mari, enfin non, mari ne se dit pas kisama en japonais)…
- Ce, pas cet…
- Alors, j’ai attendu le 14 mars…
- Oui, la vengeance est un plat qui se mange froid…mais comment peux-tu être sûre que c’étaient tes chocolats?
- Comment être sûre? Mais parce que hier, 14 mars, jour de howaitode, il ne m’a offert ni いち [ichi] , niに [ni], et encore moins 三倍返し ( sanbaigaeshi).
- C’est une tradition qui remonte aux années 50. Quand j’étais petite fille, j’ai offert des sewa choco, ou si tu préfères des
« Revoilà les geishis, peut-être que sanbagaeshi veut dire femme de ménage…ou une geisha qui danse la samba? »
- Mie, ça sert à quoi une sanbagaeshi?
- A remercier, c’est la tradition du 14 mars, les hommes offrent Kansha choco à toutes les collègues et amies; on appelle aussi gyaku chocos. Mais à moi, il aurait dû offrir trois fois plus que mes honmei chocos, pour me dire que c’est moi qu’il aime. Et rien…alors ce que j’avais vu, pensé…je l’ai attrapé par sa cravate, j’ai failli l’étrangler, j’étais furieuse, tu comprends…et voilà, je suis accusée de tentative d’assassinat.
- Mie, je suis désolée, de ce qui t’arrive. Courage. Sayonara.
Bon, je rentrais chez moi, mon vocabulaire japonais, très enrichi; triste pour Mie.
Je lui écrivis, appris que divorcée, et libérée, elle avait ouvert une boutique de chocolats, pensait bien venir me voir pour me présenter son fiancé; ils se seraient rencontrés lors d’un match de sumo. Sacrée Mie!
Résumé:
En japonais, la saint valentin se dit : Barentain de (バレンタインデー) ou Valentine Day, fêtée le 14 février.
Ce jour là les femmes offrent Honmei chokkoretto (本命チョコ) à l’homme qu’elles aiment, Tomo chokkoretto (友チョコレート) pour les vrais amis, et Giri chokkoretto (ギリチョコレート) pour les collègues de travail.
On peut aussi s’offrir des Jibun Chokkoretto (自分チョコ), les « chocolats pour soi ».
En retour, le 14 mars, a lieu Howaito dē (ホワイトデー) ou white day la coutume veut que que les hommes offrent les chocolats Kansha (感謝 : remerciements), ou Gyaku choco*(逆チョコ),3 fois en retour (dit sanbaikaeshi 倍返し) de ce qu’ils ont reçu.
Gyaku choco, s’offrent aussi le 14 février, en retour des Honmei, Tomo et Giri.
PS: je ne suis jamais allée au Japon. L’idée m’est venue de raconter cette histoire et cette tradition après avoir lu ceci:
« Une femme, âgée de 43 ans, a tenté de tuer son mari, âgé de 31 ans, en l’étranglant avec une cravate, à Sakai, dans l’ouest du Japon. Mie Nishiyama a été interpellée lundi par la police. Elle a expliqué aux policiers qu’elle le soupçonnait d’avoir une liaison. Et comble de l’indélicatesse, «il ne m’a pas donné de cadeau en retour de la Saint-Valentin. J’étais furieuse et je l’ai étranglé».
Intriguée, j’ai voulu en savoir plus et j’ai découvert cette tradition.